23 septembre 2007

GoT en cuisine

27 avril 2006, première expérience pour GoT en cuisine...

Notre chef "préféré", San du restaurant L'Air du Temps en Belgique, nous avait proposé quelques mois plus tôt d'organiser une journée avec lui en cuisine, chose que nous nous étions empressés de planifier et organiser; rendez-vous fut donc pris pour ce jeudi d'avril.


Sang Hoon Degeimbre, chef de L'Air du Temps (photos issues du site)

Le rendez-vous est fixé vers 9h30 du matin, fin prévue vers 17h... San nous accueille tout sourire, la cuisine est nickel, prête à donner du service, notre table quant à elle est déjà dressée et n'attend plus que ses convives.


Immédiatement, San nous décrit le concept, simple mais attrayant : il a composé un menu, sera seul en cuisine avec nous et finalisera chaque préparation et chaque plat en nous invitant à participer à sa réalisation - l'accent étant mis sur les nouvelles techniques et la cuisson.

Cerise sur le gâteau, San mangera tout le repas avec nous et aura choisi quelques flacons "découvertes" qui aggrémenteront notre menu écrit sur la faience blanche d'un mur de cuisine :


En vrac, voici quelques photos prises pendant la journée ...




































































































L'apéro s'est pris en cuisine, en cours de session, San nous proposant un riesling allemand absolument fabuleux, parfait en apéritif : Fantasie der Schieferterrassen, Heymann-Lovenstein.



Après quelques heures d'échanges, de préparations mais surtout d'émerveillement, voici le résultat :

King Crabe, ventrèche de thon, tagliatelles de soja,
anguille fumée et mayonnaise d'anchois
Alvarinho, Muros de Mulgaço, Portugal, 2004


Oeuf à 63°C, beure noisette, asperges
Alvarinho, Muros de Mulgaço, Portugal, 2004


Foie poêlé et flan de banane au citron, écume de citron,
tuile au sésame et crème d'échalottes
Frankland Estate, Chardonnay, Isolation Ridge Vineyard, Australie, 2001


Ris de veau, langoustines, beurre aux herbes et caviar d'épinards
Frankland Estate, Chardonnay, Isolation Ridge Vineyard, Australie, 2001


Veau à basse température, truffes, épices, gnocchis de pommes de terre, légumes au wok
Il Viola, Tenuta le Querce, 2003


Mayonnaise cuite de chocolat, bulle de caramel,
écume de vanille, sorbet chocolat

Après tout, Condrieu, F. Villard


Petite synthèse des flacons dégustés lors de ce déjeuner... (oui, il y avait de l'eau... aussi).



Le menu fut évidemment délicieux, non content d'avoir modestement participé à sa réalisation, nous avons réellement apprécié chaque plat et chaque vin associé.

Cette journée fut réellement un enchantement. San a fait état de tout son talent, de toute sa patience et gentillesse, cette session de cuisine s'est déroulée dans un véritable esprit d'échange, d'apprentissage et convivialité.

Départ du resto vers 17h, retour sur Paris, difficile de s'en remettre, l'expérience s'étant révélée surprenante et enrichissante.

A nous maintenant d'essayer de reproduire, même partiellement, certaines techniques apprises chez San.

Un peu plus d'un an plus tard, même si certaines de nos propres réalisations commencent à ressembler à quelque chose, on peut vous dire qu'on est loin du compte... y'a pas de miracle, chacun son métier :o) ... Merci encore à San pour cette journée qui restera longtemps dans nos mémoires...

GoT

22 septembre 2007

Paustian

Dîner du samedi 15 septembre 2007

Après moult hésitations, le choix du 2ème restaurant visité lors de ce (fabuleux) week-end à Copenhague – le premier étant Noma, voir post précédent – se porta finalement sur le restaurant Paustian, « rising » star 2007 du Michelin.

Le choix était pourtant assez vaste avec des adresses confirmées comme MR, Formel B ou les récents Geranium ou Nouveau – la ville semble compter plusieurs adresses d’excellente réputation et parmi elles pas moins de 8 restaurants étoilés.

Mais après avoir lu que Paustian et son chef Bo Bech revendiquait – entre autres – l’adjectif moléculaire pour décrire sa cuisine, je ne pus m’empêcher de tenter l’expérience.

Le restaurant se situe à une distance plus éloignée du centre, bien caché dans les méandres portuaires au Nord de la ville.



La salle est très agréable et assez originale, ambiance discrète et tamisée, grandes tables rondes, très espacées, très grande hauteur sous plafond, le blanc est dominant (murs, nappes) à l’exception de 2 pans de murs dont la moitié haute est peinte dans un concept plutôt décalé par rapport à l’endroit.


Confortablement installés, et prêts à repartir pour un nouveau voyage culinaire, nous optons pour le menu « Alchimiste » et son menu Vins associé.

Chose intéressante à souligner : la cuisine est scindée en 2, la partie cuisson où officie le chef étant totalement ouverte sur la salle. Intéressant mais pas non plus révolutionnaire car de nos jours de plus en plus de restaurants veulent jouer la transparence et l’ouverture sur leur cuisine.
Avec les amuse-bouches, on entre de plein pied dans le vif du sujet.


Du croquant, du moelleux, du piquant, du doux, des goûts vifs, précis : une première rafale de micro amuse-bouches qui donne le ton : difficile de savoir ce que l’on va manger à la simple vue de ce qui nous sera servi… l’explication de texte s’impose. Pour accompagner ces amuse-bouches, nous choisissons l’apéritif maison : infusion de thé et mousseux blanc italien (dont j’oublierai malheureusement le nom) : belle fraîcheur, acidité, léger dosage en sucre.

On apporte ensuite ce qui s’avérera comme la grosse sensation de ce repas : le pain.


Quelques tranches « classiques » de pain de différentes sortes : plutôt normal. On nous présente également 2 sortes de beurre : salé pour le premier, grillé pour le second. En effet, un beurre noisette reconstruit et ensuite frit pour obtenir cette sorte d’ «œuf » d’un point de vue visuel mais qui n’est que du beurre noisette, onctueux à souhait. Autant vous dire qu’avec l’excellent pain servi, c’est un vrai régal. Mais la sensation viendra de cet étui brun posé sur la table. Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’un étui en tissu brun dans lequel seraient rangés quelques gressins… (on distingue pourtant bien ce qui pourrait ressembler à des « coutures » sur les arrêtes), non il s’agit d’une réelle croûte de pain reconstituée en une pièce. C’est évidemment creux à l’intérieur et on nous invite à la briser franchement, le service étant habitué à gérer l’émiettage inévitable sur la table. Pour le plaisir des oreilles - on ne voit malheureusement pas grand chose … écoutez ce croquant :



Nous entamons ensuite le menu :

Caramellised cauliflower


J’adore le chou-fleur, je suis gâté. On en a plein la bouche, le croquant des amandes fraîches s’associe bien à la douceur du chou-fleur dans cette texture onctueuse.

Baked celeriac with monkfish and pear
2005 Pouilly Fumé, Guy Saget, Loire, France


Le meilleur plat du menu. Sur le poisson repose une large rondelle de céleri (froide et légèrement cuite) sur laquelle repose des «écailles » en lamelles de poire (moelleuses et tièdes).
La qualité et cuisson du poisson est parfaite. A l’entame de ce plat, l’association avec le poisson, le céleri et la poire interpelle, limite dérange. Ce plat offre aux premières bouchées des goûts, températures et textures qui s’entrechoquent … Au final, c’est vraiment une réussite : plus on en déguste, plus on en raffole et on constate avec regret que l’assiette se vide petit à petit…

Danish Lobster with forgotten roots and berries
2004 Chardonnay, Yerring station, Victoria Valley, Australie


Le visuel est excellent… C’est bon, chaque aliment dans l’assiette est proposé dans des différences de goûts et températures : on joue (encore) sur le cru/cuit, sur le vinaigré/sucré, qui fonctionne plutôt pas mal. Seul bémol concernant le homard qui est perdu dans tout cela et n’apporte finalement rien à ce plat qui se suffit à lui-même. Très belle association avec le vin.

Pour le plat suivant, ma douce n’aimant pas les viandes rouges, nos routes gastronomiques se sépareront :

Pour elle : Potatoes, black truffels, egg at 63°C
2005 Pinot Noir, Dog Point, Marlborough, Nouvelle-Zélande


Un plat esthétiquement joli, mais trop fade en goût… nécessitait d’avantage d’assaisonnement pour en exprimer réellement les saveurs.

Pour moi : Potatoes with mushrooms and duck wings
2005 Pinot Noir, Dog Point, Marlborough, Nouvelle-Zélande


Plat assez neutre, c’est bon mais ne propose rien d’extraordinaire du tout. On passe.

Bitter almond -195,8 celsius


Toujours spectaculaire de se faire servir une dégustation à l’azote liquide. On est bien d’accord, cela n’a gastronomiquement que peu d’intérêt, on entre ici dans le côté ludique de la gastronomie mais cela peut parfois faire des merveilles quand un plat sert à éveiller votre palais et vous apporter de nouvelles sensations gustatives (ex. The Fat Duck ou L’Air du Temps où ces dégustations ludiques ont vraiment leur sens et leur place dans le menu).

On est dans le même registre ici, c’est évidemment frais, ça rafraîchit le palais et le prépare au plat suivant. L’originalité réside ici dans la texture et la manière de manger ce plat : pas question de la simili « meringue » déjà goûtée ailleurs, non, ici, on brise la glace et on mange ce plat à la cuiller … pas en une bouchée, non, plusieurs… . C’est original et évidemment spectaculaire quand la fumée ressort de votre bouche ou « pire » par vos narines. Dans certains restos, on crierait au fou ou on trouvera çà « too much », ici ça passe plutôt bien, les clients savent où ils mettent les pieds et jouent le jeu…

Pour elle : Mackerel and mushrooms
2001 Babera d´Alba, Edorado Sobrino, Piemont, Italie


Le produit est d’une qualité exceptionnelle assurément. On va dire qu’ils n’ont aucun mérite etc etc.. ce n’est que du maquereau certes , mais un poisson bleu de telle fraîcheur, cuit avec précision, qui s’offre à vous dans son plus simple appareil, ça vaut les produits les plus nobles du monde.

Pour moi : Pigeon with chestnuts, endive and horseradish
2001 Babera d´Alba, Edorado Sobrino, Piemont, Italie


Sur ce pigeon, on est sur des goûts et associations plus classiques, cuisson parfaite comme je les aime : saignant mais pas sanguinolant. Très bon. Le vin du Piémont soutient très bien l’ensemble du plat, bel accord.

On enchaîne avec 2 desserts de très bon niveau :

Caramellised carrot with buck torn and coconuts
2005 Eiswein, Rudolf Payer, Autriche


Original, frais, l’association carotte – coco marche assez bien.

White chocolate with banana/olive oil
2005 Eiswein, Rudolf Payer, Autriche


Le meilleur dessert ! N’étant pourtant pas fan de banane (du tout même…), je me suis fait violence et que ce fut judicieux ! : cette glace était tout simplement extraordinaire, l’huile d’olive apportant ce côté vert, fruité associé au goût assez doux de la banane, le tout dans une structure glacée se mariant avec bonheur avec les grumeaux de chocolat et le caramel coulant… une belle gourmandise !

Quelques mignardises ensuite, dont une délicieuse barbe à papa aromatisée à l’orange, annoncant la fin de repas, nous ont été servies. Parlant du service : jeune, efficace mais assez distant au final, pas de défaut particulier mais rien d’inoubliable non plus à noter.


Revenons quelques instants sur les vins servis. Ils furent tous d’un bon niveau, notamment sur les rouges. Maintenant, côté rapport qualité prix, on est clairement limite, 100 euros le menu vin pour ce qui a été bu et servi, c’est exagéré… et quand on croise le même Pouilly fumé du même producteur et du même millésime le lendemain au free tax shop de l’aéroport à 5 euros la bouteille… on se dit certes que c’est une bonne affaire à se procurer pour sa cave perso mais que là le rapport avec le tarif pratiqué au restaurant est trop grand. C’est évidemment le risque pris dans ce genre de menu. On peut s’en sortir avec satisfaction comme se faire littéralement voler.

Mais passons sur ce point, Paustian s’est avéré une très belle adresse… totalement différente de Noma qui est bien entendu unique en son genre. Mais il n’était pas facile de succéder à la cuisine de Rene Rezepi : la cuisine moderne et high tech de Bo Bech a relevé le challenge plus que correctement. Une cuisine suscitant les sens, explosive, volontairement provocatrice. Heureusement, elle ne se la joue pas uniquement ludique et cherche aussi à délivrer de vrais plats (racines, pigeon, maquereau), mettant clairement en avant le produit. Les amateurs de moléculaire y trouveront donc leur bonheur même si je m’attendais à une cuisine plus sophistiquée, plus surprenante, plus engagée dans le moléculaire. Ce menu offre un bon compromis, la carte doit probablement réserver d’avantage de surprises et d’émotions.

J’y retournerai je pense volontiers pour une nouvelle dégustation … mais après avoir découvert les autres adresses gastronomiques que cache la ville de la petite sirène … (qui est vraiment petite).

Laurent V